OPINIONS
Une opinion d'un groupe de neuf jeunes organisateurs de la Session Lead (1).
 " Pour que l’écologie puisse conduire à une véritable alternative, elle devrait constituer une vision du monde cohérente et globale plutôt qu’une multitude de réponses techniques ou partielles."
 Un grand mouvement traverse de nombreux pays depuis plusieurs mois. Il traduit un questionnement profond. Beaucoup de gens - de jeunes en particulier - se posent la question du sens, à l’échelle individuelle comme à l’échelle collective : pourquoi passons-nous sur cette Terre ? Pourquoi ce monde a-t-il besoin de nous ? Pourquoi travaillons-nous et luttons-nous ? Ce sont des questions auxquelles il faut faire face avec courage. Nous, les premiers, avons intérêt à laisser une planète habitable aux générations suivantes, sans quoi c’est le sens de notre propre passage sur Terre qui est compromis.
Aujourd’hui, alors que peu de gens semblent encore croire en un futur heureux, la transition écologique pourrait paradoxalement constituer une chance. De quel plus grand projet de société disposons-nous alors que nous manquons de perspectives d’avenir ? Mais pour que l’écologie puisse réellement constituer cette Terre promise, nous pensons qu’il faut y associer une éthique solide, une culture et une spiritualité qui inspirent l’homme et qui le contiennent dans une sobriété lucide. Comme le dit le pape François dans l’encyclique Laudato Si*, la logique de l’écologie devrait s’appliquer non seulement à l’environnement, mais aussi au corps social et à nos propres corps. "Tout est lié."
C’est l’articulation de ces trois aspects de l’écologie (environnementale, sociale et humaine) qui nous permettra de reconstruire un monde désirable, et de faire se lever une aurore paisible et joyeuse. Ce qu’il faut bien comprendre - et qui nous semble trop peu explicite dans le débat actuel -, c’est que lutter contre le dérèglement climatique, refaire société et réapprendre à habiter notre condition humaine sont trois combats politiques et spirituels qui, en réalité, n’en font qu’un seul.
L’écologie comme réconciliation avec notre demeure commune
L’environnement est bien sûr ce qui est le plus immédiatement concerné par le défi écologique. La Terre, dont les éléments nous constituent et nous vivifient, est mise en péril par notre action. Le défi urgent de sauvegarder notre maison commune devrait mobiliser toute notre inventivité et notre énergie si nous voulons éviter de laisser un amas de décombres aux générations futures.
En plus des indispensables petits gestes du quotidien, il s’agit d’engager des chantiers majeurs : isoler les bâtiments, verdir l’industrie, les transports, l’agriculture et Internet. Au lieu de continuer sur la voie d’une sortie de l’histoire, l’Europe pourrait saisir cette occasion de briller à nouveau. Elle a toutes les cartes en main pour devenir le leader mondial d’un processus auquel tout le monde devra s’atteler.
Pour cela, nous ne pourrons pas compter uniquement sur la technologie si elle ne s’accompagne pas de vrais changements de fond. En effet seule une technique solidement reliée à l’éthique permettra un authentique progrès, et évitera de résoudre un problème en en créant d’autres, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui.

L’écologie comme aspiration à la justice
Une approche écologique véritable se soucie du sort des plus pauvres, car celui-ci est intimement lié à la fragilité des écosystèmes. Ce sont souvent les habitants les plus déshérités de la planète - et ceux qui polluent le moins - qui subissent déjà aujourd’hui la désertification, l’épuisement des ressources, la raréfaction de l’eau. Ils endurent une double peine, car leurs États souvent fragiles sont les moins capables d’affronter ces défis. Accuser de tous les maux l’augmentation de la population dans ces pays et non le consumérisme débridé des pays du Nord est une manière d’esquiver le problème.
Face aux graves conséquences de la crise écologique, la solidarité entre personnes et entre pays est avant tout un enjeu éthique de premier plan, mais aussi une condition de la paix. Nous avons un seul monde en commun, et avons tous besoin les uns des autres.
L’écologie comme sagesse pour nos corps
Troisièmement, l’écologie humaine doit nous inviter à nous réconcilier avec nous-mêmes, à recevoir son propre corps comme un don. Le corps humain est la première victime de l’hybris démesurée qui caractérise notre temps, que l’on songe aux addictions en tous genres, à la fascination pour le transhumanisme ou à la marée noire de la pornographie en ligne. L’humain n’est pas un simple matériau, mais ce autour de quoi toute la société doit s’organiser.
Apprendre à recevoir son propre corps, à en prendre soin et à en respecter les significations est essentiel pour que s’enracine un mode de vie écologique. Le fait par exemple d’habiter son propre corps dans sa féminité ou dans sa masculinité est la condition pour pouvoir se reconnaître soi-même dans l’éblouissante rencontre avec l’altérité.
Pour une écologie intégrale
La vigilance écologique ne peut se réduire à une multitude de réponses techniques et partielles aux problèmes. Elle devrait être un nouveau regard, une pensée, une politique, une spiritualité, une éducation. Être sensibles à la beauté du monde, l’aimer, nous aidera à sortir de l’utilitarisme et du matérialisme. Réapprendre à approcher la nature avec cette ouverture à l’émerveillement nous fera quitter une attitude de dominateur et de consommateur. À quoi ressemblera notre Terre promise ? Quelle sera la couleur de l’oasis, du jardin où coulent le lait et le miel auquel nous aspirons ? À nous les jeunes d’ouvrir la voie pour construire ce monde post-carbone, plus juste et plus humain. Si cette tâche peut paraître insurmontable ou écrasante, rappelons-nous qu’il n’y a que ce qui semble très difficile, voire impossible, qui est vraiment excitant ! Si la situation apparaît tragique, ce qu’elle a de beau, c’est qu’elle appelle notre engagement.
(1) : L’équipe de la Session Lead : Marie Cartuyvels, Pierre-Charles de Dorlodot, Martijn Lambert, Baudouin de Lannoy, Marguerite Kervyn, Clothilde de Meulenaere, Père Emmanuel de Ruyver, Raphaël Van Hoolandt, David Wouters.
En septembre, la cinquième édition de la Session Lead rassemblera pendant quatre jours 130 jeunes autour de témoignages d’acteurs engagés dans les domaines associatif, politique, économique, philosophique et religieux. Objectif : encourager la réflexion personnelle et l’engagement au service du bien commun. www.sessionlead.be